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Interview pour MProvence

En plein cœur du quartier de la Joliette à Marseille, Yves Blisson reçoit Raynaut Escorbiac, fondateur d’Inersio et France Immersive et également ambassadeur des Forces Françaises de l’Industrie (FFI) en Provence. Quel est l’état de l’industrie en France aujourd’hui ? Comment montrer aux jeunes générations que le secteur n’est plus le même qu’il y a 30 ans ? Réponses à découvrir dans cette interview !

Yves : Nous sommes sur le port de Marseille. C’est la semaine de l’industrie avec beaucoup de choses au programme, notamment un grand forum pour l’industrie locale vendredi et tout au long de la semaine. C’est une semaine extraordinaire que différentes institutions vous proposent de découvrir, avec une immersion dans le monde industriel et je suis justement à côté d’un spécialiste de l’immersion dans le monde industriel. C’est Raynaut Escorbiac qui est chef d’entreprise, qui est basé à Aix-en-Provence mais qui anime aussi un réseau de jeunes chefs d’entreprise : les Forces Françaises de l’Industrie. Beaucoup d’actualités donc, en dehors de l’activité de votre entreprise déjà Raynaut pour commencer. On est ici devant un ancien bâtiment industriel, un silo qui est devenu aujourd’hui une salle de spectacle. Alors je vais vous provoquer pour ma première question : il est vraiment urgent maintenant de faire connaître l’industrie, de la faire aimer, de faire en sorte que beaucoup de jeunes rejoignent ses activités ?

Raynaut : En effet, il est grand temps qu’on s’y remette parce que depuis 30 ans, on a quand même malheureusement assez décrié l’industrie. Alors c’est un très bel exemple de réhabilitation d’ancien silo dans une nouvelle techno., moi je prône aussi le fait que notre pays soit réellement industriel. C’est-à-dire que des sites industriels soient réhabilités en sites industriels, en montrant bien entendu la capacité de nos hommes, de nos femmes à travailler dans ces usines, et en réhabilitant plutôt l’idée de l’industrie.

Yves : Alors cette attractivité, c’est aussi l’essence même de votre activité à vous, le groupe Inersio. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous réalisez ? Puis pratiquement nous le montrer, avec ce que vous avez dans les mains.

Raynaut : En fait, ce que j’ai dans les mains, c’est une usine. Je me promène avec des usines sur moi, parce que ce que nous pensons, c’est que quand on va voir une industrie ou un savoir-faire en vrai, on a une appétence à la marque, une appréhension de la chose qui est beaucoup plus prégnante, qui va durer longtemps : on va pouvoir comprendre. Mais comme on ne peut pas toujours aller à Cherbourg pour voir les parapluies de Cherbourg par exemple, on va les digitaliser et faire une visite d’usine à distance en vidéos 360 interactive et ainsi pouvoir aller voir un certain nombre de savoir-faire magnifiques que nous avons en France.

Yves : Ces visites, ça permet de se rendre compte qu’aujourd’hui l’industrie, ce n’est pas uniquement le monde du bruit, de l’odeur, de la pollution, d’une consommation frénétique d’énergie mais ça a bien changé.

Raynaut : Oui, ça a grandement changé. Aujourd’hui, on parle d’industries 4.0. Il ne faut pas que ce soit un concept. L’industrie 4.0 c’est une réalité aujourd’hui : il n’y a plus de charges lourdes dans les usines, il y a autant d’hommes que de femmes sur certains postes de travail parce que nous ne sommes plus dérangés par tous les méfaits que vous citiez. Et il est vraiment important d’ouvrir ses portes : allez voir des industries ! Il faut également qu’on puisse montrer ça aux jeunes générations. On disait à nos générations : surtout ne va pas dans l’industrie. En tout cas c’est le message qu’on recevait. Moi j’ai envie de dire l’inverse. Il faut retourner dans l’industrie et d’ailleurs la pandémie nous a montré que ce serait quand même sain que l’on puisse refabriquer des choses sur notre sol. Aujourd’hui, il y a un espèce d’engouement, engouement des pouvoirs publics, je pense qu’il y a un retournement de tendances, et engouement pour le « Made In France » : profitons-en. Profitons-en pour montrer nos usines de l’intérieur et ainsi encourager l’emploi dans l’industrie.

Yves : Et alors en matière de salaire, c’est aussi des métiers qui sont attractifs les métiers de l’industrie pour les jeunes ?

Raynaut : En tout cas, les chefs d’entreprise vont devoir s’y mettre. C’est évident que c’était le problème : le « Made In France », oui c’est cher. Il y a quelques années, on disait que c’était moche. Maintenant on a à peu près réglé le problème. On a des supers beaux meubles, des meubles de salles de bains fait par Deco Tech par exemple, mais aujourd’hui l’industrie paye correctement les gens. Moi je pense dans notre département par exemple à Deshons Hydraulique qui est une entreprise qui fabrique des grosses machines hydrauliques, tenue par une femme et c’est important de le dire, et qui paye décemment ses employés, et on y travaille dans des conditions complètement décentes. C’est ça l’industrie d’aujourd’hui.

Yves : Alors vous évoquez une autre question qui est importante, c’est la féminisation de l’industrie. On aimerait bien ne pas en avoir à en parler mais c’est quand même une vraie question, l’accès des femmes à ces métiers.

Raynaut : Moi j’aime bien en parler. Il se trouve que je suis ambassadeur des Forces Françaises de l’Industrie en Provence et je me suis mis un petit marqueur, en disant : « Je veux qu’il y ait autant de femmes que d’hommes qui adhèrent à ce club d’entrepreneurs ». Il se trouve qu’il y a de plus en plus de femmes qui reprennent les entreprises de leurs parents, ce qui n’était pas le cas il y a 30 ans. Il y a 30 ans, on cherchait le masculin. Aujourd’hui, on peut transmettre à sa fille et avec beaucoup de succès. J’insiste. Il y a énormément d’entreprises qui ont été transmises à des filles et qui réalisent des prouesses.

Yves : Et plus globalement d’ailleurs, à un moment où on valorise beaucoup les auto-entrepreneurs, ceux qui ont des idées, qui veulent créer eux-mêmes leur boîte, on peut peut-être aussi dire qu’il y a énormément d’entreprises qui ont une existence, qui ont montré qu’elles savaient fabriquer des produits et qui sont aujourd’hui à transmettre.

Raynaut : Exactement ! Il faut encourager cette transmission. Alors la difficulté, c’est de pouvoir avoir une chaîne qui travaille jusqu’au bout, jusqu’au consommateur. Aujourd’hui, c’est le consommateur qui fera que l’industrie se réimplantera ou pas. Si on continue d’acheter, pardon, mais de la merde sur Internet pour quelques centimes d’euros, et qu’on n’arrive pas à comprendre que ça vient par bateau de l’autre côté de la planète, et que cela ne doit pas couter quelques centimes d’euros … Là c’est le « Black Friday », vous savez que certaines industries françaises commencent à boycotter le « Black Friday » parce qu’est-ce que c’est bien normal de tout solder tout le temps ? Est-ce que moi je solde les salaires des gens ? Donc soit le prix en amont était déconnant, soit c’est le juste prix et auquel cas il n’y a pas de « Black Friday ».

Yves : L’entreprise Inersio, son activité c’est donc de faire ces visites virtuelles d’entreprises. Qu’est-ce qui a changé technologiquement dans votre approche par rapport à ce qui pouvait se faire encore il y a quelques années ? Comment est-ce que vous innovez ? Puisque, on est d’accord, l’innovation est au cœur du développement de l’industrie.

Raynaut : Oui, exactement. Il ne faut pas avoir peur d’innover. Je pense que, de toute façon, les jeunes générations n’ont carrément pas peur, bien moins que ma génération en tout cas. C’est évident que c’est un bout de l’industrie de demain, c’est pour ça que c’est 4.0. C’est l’export, l’innovation et le digital. Du coup, Inersio c’est simplement miniaturiser une visite à distance, c’est-à-dire qu’on va filmer en vidéo 360 qu’on va rendre interactive, parce que je souhaite ne pas être spectateur d’une visite, mais acteur d’une visite, comme une visite en vrai. L’innovation techno. était pas non plus démentielle, il fallait quand même la « packager Made In France », il fallait que ça porte des valeurs, une vertu. Et donc nous, on s’inscrit en ligne droite dans cette semaine de l’industrie pour ouvrir ses portes.

Yves : Et vous avez participé à cette Usine Extraordinaire qui va être présentée à des jeunes ? Je crois qu’il y a 40 ou 45 entreprises qui ont accepté de montrer leur activité, parce qu’une des caractéristiques de notre région en matière industrielle, c’est qu’elle est très variée : on a à peu près tous les types d’industrie.

Raynaut : C’est exact. Par exemple des entreprises, et surtout je dirais, autour de l’énergie. S’il y a bien un domaine dans lequel on maîtrise le sujet et on est content, nous français, d’être autonome sur le sujet, c’est bien l’énergie. On accompagne par exemple Enedis, d’ailleurs il y a deux ans sur l’Usine Extraordinaire qui avait eu lieu pas loin d’ici physiquement, on faisait immerger dans des petits casques de cette manière-là, les écoliers, les lycéens, les collégiens dans des installations hautement technologiques et dangereuses, qui ne se visitent donc pas en vrai mais qui aujourd’hui peuvent se visiter dans des casques et pour cette édition, en ligne.

Yves : Voilà, et je vous conseille vraiment d’aller voir l’Usine Extraordinaire parce que vous allez pouvoir découvrir ce qu’est l’industrie d’aujourd’hui, peut-être le faire découvrir à vos enfants, et puis les enfants vont aussi le faire découvrir à leurs parents. Je crois qu’il y a un objectif de plusieurs dizaines, sinon centaines de milliers de spectateurs et de participants. Si vous aviez un message pour ceux qui sont aujourd’hui les acteurs de l’industrie locale, ceux qui vont se réunir dans ce forum de vendredi, parce qu’il y aura à peu près tous les députés qui seront là, qui vont chacun prendre une partie de l’industrie. Il y en a qui prendront le nucléaire, d’autres qui prendront des sujets liés aux bateaux ou à la construction d’un certain nombre d’usines également. Quel est le message que vous feriez passer pour la promotion de l’industrie en local ?

Raynaut : Nous étions déjà une région et un département industriel. Nous concevions en effet des bateaux. Ce serait bien de réhabiliter cette chose-là, à la Ciotat par exemple. Moi je ne peux que soutenir les démarches, pourvu qu’elles ne soient pas qu’électoralistes. Il y a surtout un travail de fond, le mal qu’on a fait en désengageant les jeunes, en les détournant de l’industrie, va falloir mettre les moyens dans le long terme. Ce n’est pas juste des milliards d’euros, il va falloir expliquer aux jeunes générations que l’industrie passera par eux, parce qu’il y a un pouvoir politique qui décide que notre pays redevient un vrai pays industriel.

Yves : Merci Raynaut Escorbiac.

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